Le groupe Klass, à travers la sortie de son quatrième album intitulé “My Pain Killer”, prouve une fois de plus son habileté à transcender les attentes et à s’imposer comme une figure incontournable du compas direct. Pourtant, cette reconnaissance n’est pas sans son lot de controverses. Malgré cinq années de silence discographique, à l’heure où la scène musicale haïtienne foisonnait de nouvelles tendances et où des concurrents tels que Zafèm ou Harmonik gagnaient du terrain, Klass a maintenu le cap. L’album, sorti le 13 novembre dernier, constitue une véritable réponse aux détracteurs qui doutaient de leur capacité à innover.
Cependant, il serait réducteur de limiter l’évolution du compas direct à une seule formation. Si Klass s’est imposé comme un leader au fil des ans, d’autres groupes, souvent oubliés ou sous-estimés, ont également joué un rôle important dans la préservation et l’évolution de ce genre musical emblématique.
Pendant que Klass cultivait son silence créatif, des groupes comme Zafèm, Nu-Look et Kaï n’ont cessé de régaler leurs publics avec des productions régulières et des tournées marquées par des performances à guichets fermés. Zafèm, avec son album “Las’”, a su conquérir une nouvelle génération de mélomanes tout en restant fidèle à l’essence du compas direct. Par ailleurs, Nu-Look, mené par Arly Larivière, n’a cessé d’élargir son répertoire tout en émouvant avec des compositions authentiques et à forte charge émotionnelle.
Ces groupes ont su démontrer que la pérennité dans l’univers du compas direct ne repose pas uniquement sur des noms prestigieux ou des collaborations artistiques, mais également sur une capacité à se réinventer constamment. Là où Klass misait sur une longue attente suivie d’un retour grandiose, d’autres ont préféré maintenir une présence régulière pour s’assurer une place de choix dans les playlists des fans.
Il est indéniable que “My Pain Killer” est un opus riche en nuances, mélangeant tradition et modernité avec des touches de racine et de rabòday. Cependant, cette sortie tardive soulève des questions sur la stratégie de Klass. Le choix de se retirer pendant cinq ans, alors que le compas direct est un genre qui exige une régularité et une proximité constante avec le public, a pu être perçu comme une forme de déconnexion. En attendant ce nouvel album, les fans du groupe se sont tournés vers d’autres formations plus actives.
En effet, des formations telles que Harmonik et Disip ont profité de cette absence prolongée pour consolider leurs bases de fans et présenter des spectacles hautement qualités en Haïti et à l’étranger. Ces groupes n’ont pas seulement été des alternatives, mais des phares qui ont maintenu le compas à flot, pendant que Klass semblait s’éloigner de son épicentre.
Malgré tout, Klass reste une référence incontestée. Leur capacité à réaliser des performances spectaculaires, comme celle du 23 novembre dernier à l’Amazura devant plus de 2 000 spectateurs, témoigne de leur statut de poids lourd. L’inclusion d’artistes de renom tels que Wyclef Jean, Rutshelle Guillaume et Tafa Mi-Soleil apporte une dimension collaborative qui enrichit leur création.
Cependant, cette stratégie ne doit pas être perçue comme une panacée. Les attentes autour de Klass sont énormes, et chaque silence prolongé pourrait affaiblir leur impact. Pour rester au sommet, il est essentiel qu’ils continuent de produire et de se connecter avec leur public, notamment en Haïti, berceau du compas direct.
L’émergence de Klass a sans aucun doute redéfini les standards du compas, mais le genre ne repose pas uniquement sur un seul groupe. L’avenir du compas direct dépend d’une émulation entre les artistes, d’une diversification des propositions musicales et d’une capacité collective à porter la culture haïtienne sur la scène internationale. Klass a relevé le défi avec brio, mais l’histoire continue de s’écrire avec d’autres acteurs tout aussi méritants.